Bonnets rouges
Entre colère et revendication.
Le mouvement des Bonnets rouges, apparu fin 2013 en Bretagne à la faveur de la crise économique qui a fait vaciller le gouvernement en cette fin d’année, est un mélange complexe de revendications économiques, fiscales et régionalistes.
Historiquement, ce mouvement voit le jour en 1675 lorsqu’éclate une révolte antifiscale dans l’ouest de la France. En 2013, un élan de protestation Breton en reprend certains codes, dont le symbole le plus emblématique est le bonnet rouge.
Fin 2013, alors que l’industrie agroalimentaire Bretonne (Groupe GAD (abbatoir de porc), Marine Harvest (production de poisson), Tilly Sabco et Doux (production de volailles), Jean Caby (salaison) connait de graves difficultés économiques, le gouvernement annonce la mise en place de l’écotaxe poids-lourd.
Pour des milliers de citoyens Bretons, d’élus, de syndicalistes et de patrons, cette nouvelle taxe est ressentie comme la goutte d’eau qui fait déborder le vase. La fronde s’organise et reprend le flambeau d’un mouvement lancé par les salariés de ces entreprises en difficultés.
Le collectif « Vivre, décider et travailler en Bretagne », emmené notamment par le maire de Carhaix (29) Christian Troadec, (maire divers gauche régionaliste) devient le fer de lance d’une vague contestataire qui s’étend. En s’élargissant, celle-ci prend la forme d’une union régionale face au pouvoir national, centralisé à Paris.
La contestation touche à d’autres thématiques qui intègrent alors le spectre de la colère et des revendications : Soutien économique, augmentation du taux de TVA au 1er janvier, radars, politique plus régionaliste et, même à sa marge l’équitaxe.
A la fin du mois d’octobre, les bonnets rouges organisent des rassemblements un peu partout en Bretagne.
Le 2 novembre, une grande manifestation réunie 30000 personnes à Quimper et raisonne à l’échelle nationale. Une forêt de drapeaux bretons et de bonnets rouges envahissent les rues tandis ce qu’à sa marge, éclatent de violents affrontements avec les forces de l’ordre.
Fort du succès de cette manifestation, les rassemblements se succèdent et chaque jour, les bonnets rouges concrétisent leurs mécontentements. Les portiques écotaxes sur les axes routiers sont mis à mal, des radars sont vandalisés.
À Paris, le manque d’anticipation initial amène plusieurs ministres à se mobiliser autour du 1er ministre d’alors, Jean Marc Ayrault. Le gouvernement propose le 29 octobre la suspension du projet écotaxe, ainsi qu’un pacte régional pour la Bretagne doté de 2 milliards d’euros, composé d’aides déjà prévues et de nouvelles aides.
Les revendications du collectif perdurent néanmoins, ne voyant là qu’une manœuvre politique reportant simplement la mise en place d’une taxe jugée injuste pour une région qui ne possède pas d’alternatives au transport routier.
D’autres manifestations suivront.
Apres le succès des rassemblements, le collectif des bonnets rouges prolonge son action et organise les états généraux de Bretagne en Mars 2014. Les sympathisants s’expriment lors de comités locaux. Il en résulte un cahier de Doléance où figurent 11 propositions.
Suite au remaniement ministériel post-élection municipale du mois d’avril 2014, Ségolène Royal, fraichement arrivée au gouvernement, annonce dans la foulée de sa nomination une volonté de remettre à plat cette taxe. Est-ce un effet d’annonce ou bien le 1er acte de la mise à mort de ce projet ? Nul ne le sait encore.
Même si le mouvement fait moins parler de lui au printemps, les bonnets rouges continuent les attaques éclairs contre certains portiques (incendies à Bains de Bretagne, puis démontage du portique, occupation du portique de La Gravelle, présences permanentes des forces de l’ordre sur certains portiques, etc.) et attendent plusieurs réponses officielles du gouvernement…
…sous peine de reprendre le mouvement.
Ce reportage a reçu le prix du « reportage de l’année 2014 ».
Between anger and revenge. The "Bonnets rouges" movement started in late 2013 in Brittany as a result of the economic crisis that shook the government at the end of that year. The movement is a complex mix of economic, fiscal and regionalist demands.
Historically, this movement was born in 1675 when an anti-tax revolt started in western France. In 2013, a wave of protest in Brittany took up this mantel, the iconic symbol being the « Bonnets rouges ».
At the end of 2013, while the Breton food industry was experiencing serious economic difficulties, the government announced the introduction of the hard-hitting environmental tax.
For thousands of citizens in Brittany, elected officials, trade unionists and bosses this new tax is seen as the straw that broke the camel’s back. The group reorganized and took up the torch for a movement supported by employees of companies in difficulty.
The collective « Living, working and deciding in Brittany », led in particular by the left wing mayor of Carhaix, Christian Troadec became the spearhead of a protest wave that was expanding. As it expanded, this organisation took the form of a regional union opposing national power centralized in Paris.
The dispute raised other issues and concerns about economic subsidies, increasing the rate of VAT on 1 January, radars, increasingly regionalist politics and even equine tax.
At the end of October, the « Bonnets rouges » held rallies all over Brittany.
On the 2nd of November 30,000 people gathered in Quimper for a protest that drew national attention. Huge numbers of flags and « Bonnets rouges » invaded the streets and violent clashes broke out with police.
Building on the attention this event drew, frequent rallies were organized and the « Bonnets rouges » continues to express their discontent. Road eco-tax installations were damaged and radars were vandalized.
In Paris, despite the government’s initial lack of participation, several ministers finally mobilized around the then 1st minister, Jean Marc Ayrault. On the 29th of October the government proposed a suspension of the eco-tax project and a regional subsidy package for Brittany of 2 billion euros.
After the success of the protests, the « Bonnets rouges » continued its action and published its manifesto for Brittany in March 2014. Supporters expressed their support through their local committees. The result is a booklet containing eleven propositions.
Following a post-election reshuffle after the municipal elections of April 2014, Ségolène Royal, newly appointed, announced her intent to overhaul the tax. Is this just empty words or a real effort to kill the project ? No one knows yet.
Although the movement is less talked about during the spring, the « Bonnets rouges » continue to attack infrastructure as they await the government’s response … with the threat that the movement may reactivate.
This report has been awarded the « Reportage de l’année » in 2014.