Notre-Dame-des-Landes

Notre-Dame-des-Landes

France

Julien Ermine

De l’opération César à la victoire des Gaulois.

Depuis trois décennies, la construction d’un grand aéroport dans l’Ouest de la France fait débat. Entre les opposants et les défenseurs, les différents gouvernements qui se sont succédé, un référendum et d’innombrables décisions de justice, la cacophonie autour de ce projet est la plus totale. Chaque gouvernement s’est cassé les dents face aux différents mouvements de contestation.

Depuis des années, une partie des opposants à l’implantation du futur aéroport (les zadistes) campent dans les champs et les bois environnant le site de Notre-Dame-des-Landes où devait couler le béton d’ici peu. Ils y ont construit des abris, des maisons en bois, des cabanes, etc. Tout un ensemble de structures nécessaires pour poursuivre leur dessein et leur combat sur place en forme de désobéissance civile.

Les évènements, manifestations et autres interventions de police se sont accentués en 2012 sous l’impulsion du gouvernement de Jean-Marc Ayrault puis de Manuel Valls. Les opérations d’évacuation qui ont eu lieu à l’automne de cette même année avaient pour nom de code « opération César ». Le but était relativement simple : mettre fin à l’occupation de cette « zone de non droit », détruire les constructions de bâtiments réalisés par les zadistes qui s’étaient installés sur place, en expulser les récalcitrants et enfin commencer les travaux de construction. Cette opération, menée en novembre 2012 a échoué malgré les efforts conséquents des forces de l’ordre. Les manifestations d’alors se scindaient souvent en deux groupes distincts et se terminaient toutes ou presque dans un climat de violence. La ville de Nantes a subi de nombreux dégâts. Certains opposants allant même jusqu’à déloger les pavés et les rails du tram de la station « Commerce » en plein de cœur de la ville.

Toujours est-il qu’après bon nombre de manifestations et de recours en justice, l’évacuation n’a pas eu lieu, l’opération César fut un cuisant échec et perçue comme un revers pour le gouvernement.

La ZAD s’est organisée, les constructions se sont développées. Un élan presque fraternel a uni les zadistes et autres volontaires d’un jour. Le système D fonctionnent à plein régime, l’échange de savoirs, l’entraide et les dons permettent à la ZAD de se structurer petit à petit autour d’un idéal altermondialiste, ou tout du moins d’un model de micro société relativement éloigné « du système dominant».

Cependant, la situation à Notre-Dame-des-Landes est quand même plus complexe qu’il n’y parait aux premiers abords. Les évènements violents ont mis en relief des points de vue divergents chez les zadistes, les scindant lentement avec le temps. Les discussions et les débats ont mis en relief des points de tension, des visions différentes sur l’objectif de la ZAD, sur la manière de la défendre, de la développer, ou encore « l’attitude » à adopter face aux journalistes pour ne citer que ces quelques points. Cette situation est parfois difficile à comprendre si l’on ne s’y intéresse pas de près. Tous, combattent le projet d’implantation, c’est l’élément fédérateur. Très schématiquement, certains groupes combattent le projet pour des raisons écologiques et environnementales, d’autres s’orientent vers des questionnements relatifs au développement futur de la zone, et d’autres, plus radicaux qui sont là pour en découdre avec l’état, les CRS et les gendarmes. Les journalistes sont également parfois visés, au grand dam de la profession, qui à tort sont « tous mis dans le même sac », celui de la mass-media, sorte de représentation facile de la parole dominante à la solde de Vinci – Vinci étant la société qu’avait choisi l’état pour mener les travaux et qui possède également des groupes de presse.

N’importe qui s’étant quelque peu attardé à Notre-Dame-des-Landes constate que plusieurs sujets dépassent un cadre simple et unifié. Rajouter à cette situation déjà complexe des agriculteurs soutenant les zadistes quand d’autres défendent une position inverse, certaines communes limitrophes, favorables au projet et d’autres non, la ville de Notre-Dame-des-Landes qui elle, s’était positionnée contre le transfert de l’aéroport, mais également contre l’occupation de la ZAD, etc.). Laisser mariner ces multiples points de vues pendant des années, on comprend dès lors, à la lumière de ces nombreux paramètres, qu’il n y a pas une seule entité, fédérée sous une seule et même bannière contre le projet d’aéroport. Sans parler des nombreux positionnements, parfois versatiles, de partis politiques tel que les verts et d’autres partis de gauche, taxés par certains de faire de la récupération.

Le Gouvernement annonce en décembre 2013 l’expulsion des occupants du site et le commencement des travaux pour le début de l’année 2014… mais rien ne bougera. En juin 2016, un référendum sur le département de la Loire-Atlantique sera même organisé, au grand dam des bretons, non consultés. Celui-ci entérinera une nouvelle fois le maintien du projet. Mais là encore le temps passe, les pénalités de retard versées par l’état à Vinci augmentent, mais rien ne bouge.

Il faudra attendre l’élection d’un nouveau Président, pour que le sujet resurgisse une nouvelle fois dans l’actualité nationale. De nouveaux experts sont nommés, rendent un nouveau rapport, et fin janvier 2018, le Chef du Gouvernement fait une annonce, inédite.

La décision d’abandonner le projet est prise. L’État réoriente le projet sur un aménagement de l’actuel aéroport de Nantes. Il demande également que les routes bloquées entourant la ZAD soient rendues à la circulation. Cette annonce est vécue comme une véritable victoire chez les zadistes et les sympathisants. Mais Édouard Philippe a fixé un ultimatum au 31 mars 2018 pour que la ZAD retrouve sa place dans le droit commun.

Toute la question maintenant est de savoir si de véritables projets, viables et légaux pourront perdurer et trouver ainsi une place à part dans un environnement rendu à la nature… et au cadre légal. Certains œuvrent en ce sens, tentent de se structurer pour rester sur place et agir de sorte que la ZAD puisse trouver une place dans un ensemble qui reste encore à définir. D’autres, au contraire ne veulent pas entendre parler de ce « retour au droit commun ». Cette question clive et divise de plus en plus les zadistes à l’approche de cette date fatidique de l’expulsion probable. Des situations de vives tensions éclatent parfois sur place entre les divers groupes d’opposants.

Les slogans « non à l’aéroport » cèdent aujourd’hui la place à de nouvelles orientations dont la plus fédératrice est condensée dans cette formule pleine d’espoir chez les zadistes : « Notre Rêves des Landes » qui devient le nouveau symbole, mettant tout les espoirs des opposants dans un nouvel élan, un nouveau Larzac ? La lutte de Notre-Dame-des-Landes a fait des petits. D’autres ZAD se sont créées sur d’autres projets de développements ; à Bure (enfouissement de déchets nucléaires), à Sivens (voie ferrée Lyon-Turin), dans le Tarn (construction d’un Center Parcs). Les ZAD deviennent de plus en plus visibles et s’installent dans le paysage comme un nouveau moyen de pression.

Toute la question dorénavant est de savoir comment le gouvernement réagira à ces nouveaux modes de contestations, et concernant Notre-Dame-des-Landes lorsque l’ultimatum du 31 mars 2018 sera passé.