Comme on Peut
Transmettre l’« intransmissible »…
Dans le cadre du centenaire de la Grande Guerre, les photographes Fabrice Dekoninck et Sylvain Demange ont entrepris un travail relatif aux combats qui se sont déroulés aux Eparges, un an avant le début de la grande bataille de Verdun.
Les auteurs ont decidé de donner un éclairage particulier à cette bataille encore peu connue du grand public. De février à avril 1915, vingt mille combattants français et allemands ont été tués, blessés, faits prisonniers dans des conditions effroyables, pour la possession d’un éperon rocheux dominant la plaine de la Woëvre.
Le projet « Comme on peut » aborde la question du travail de mémoire, au travers de l’empreinte indélébile que les combats ont laissé sur le champ de bataille, mais également dans la mémoire des habitants de la région. Un siècle après les évènements, la terre des Hauts-de-Meuse parle encore et interroge le visiteur : paysages dantesques d’entonnoirs de mines démesurés, cratères lunaires laissés par les trous d’obus que le temps s’évertue à combler, cicatrices des tranchées mutilant les paysages de la paisible forêt meusienne…
Aux Eparges, ici plus qu’ailleurs, la beauté éblouissante des paysages se mêle à l’évocation de la souffrance des hommes qui y ont combattu. Ces hommes, nos poilus, nous interpellent à chaque pas sur le champ de bataille, et, irrémédiablement, nous confrontent à l’inconcevable. Car ces lieux résonnent encore de la voix des soldats de « Ceux de 14 », que l’écrivain Maurice Genevoix, lui-même combattant aux Eparges, nous restitue avec émotion : « Notre guerre… Vous et moi, quelques hommes, une centaine que j’ai connus… Je ne sais que cela, les gestes que nous avons faits, notre souffrance et notre gaîté, les mots que nous disions, les visages que nous avions parmi les autres visages, et votre mort. »
S’échelonnant sur une période de cinq ans, ce travail photographique au long cours interroge la difficulté de transmission aux nouvelles générations de ce que Maurice Genevoix qualifiait lui-même au cours d’un entretien radiophonique « d’intransmissible ».