Donetsk, sur le chemin de l’oubli
En février 2015, les accords de Minsk 2 ont arraché après de longues heures de négociations un cesser le feu applicable le 15 du même mois et qui prévoyait notamment le retrait des armes lourdes sur la ligne de front entre l’Ukraine et les Républiques Populaires de Donetsk et Lugansk. Mais qu’en est-il au quotidien ?
La réalité en ce début d’année 2020 est malheureusement bien différente.
Malgré une courte période d’accalmie pendant les dernières fêtes de fin d’année, les tirs ukrainiens ont repris contre la population de la république « séparatiste ». Des mortiers de 120 mm et des obusiers d’artillerie lourde bombardent toujours les zones périphériques de la ville de Donetsk.
La stratégie d’harcèlement employée par le gouvernement de Kiev semble assez claire. Sur le plan militaire elle vise à vider progressivement de toute présence humaine civile les zones proches de la ligne de front pour permettre une avancée éventuelle aujourd’hui impossible.
Sur le plan politique intérieure à calmer les partisans de la guerre et sur le plan extérieur à provoquer une révision des accords de Minsk au profit d’un scénario de type Croate, voire leurs abandons.
Le plan de paix semble s’effriter chaque jour un peu plus sans qu’aucune voix officielle ne s’élève. Il faut souligner que le contexte politique en ce début d’année 2020 est très instable entre une pression nationaliste extrême en Ukraine qui ne veut rien lâcher et un possible futur changement de gouvernement en Russie qui pourrait modifier l’orientation politique de Moscou dans le Donbass.
En attendant un hypothétique règlement du conflit, la population souffre encore et encore. Cette guerre européenne a déjà fait entre 10 000 et 20 000 morts.
A Donetsk, des quartiers entiers et des villages proches du front, parfois coupés en deux, se vide progressivement provoquant un exil vers des zones plus « calmes » ou à l’étranger, des maisons brulent, des murs s’effondrent, des fenêtres volent en éclats laissant les dernières babouchkas et les familles qui refusent de quitter leurs maisons, seules au milieu de quartiers déserts.
Chaque semaine apporte son lot d’enterrements de civils innocents ou de combattants souvent très jeunes qui s’engagent dès l’âge venu dans les forces de défense à l’exemple de ces 4 jeunes de 20 ans tués en ce mois de janvier 2020 sous les bombardements ukrainiens.
Le bilan est encore lourd : 328 soldats républicains ont été tués en 2019 et déjà une vingtaine depuis le début de l’année 2020.
La plupart des enfants qui vivent ou ont vécus proche de la ligne de front sont traumatisés. La perte d’un papa trop tôt disparu, les bombardements qui résonnent encore dans leurs têtes et qui réveillent leur anxiété à chaque détonation sourde. C’est toute une génération qui n’aura connu que la guerre et dont il faudra s’occuper un jour.
Sur tous les visages rencontrés qui n’ont rien de bien « terroristes » – ce qualificatif est encore employé par le gouvernement de Kiev – j’ai pu lire le désarroi, la lassitude, la tristesse, la fatigue et la souffrance. Mais malgré cela et le nombre de désillusions vécues dans l’espoir d’une fin proche du conflit, rien ne semble vouloir entamer la volonté de ce peuple fier et solidaire à vouloir décider de son propre destin.
In February 2015, the Minsk 2 agreements extracted after long hours of negotiations a ceasefire applicable on the 15th of the same month, which provided, inter alia, for the withdrawal of heavy weapons from the front line between Ukraine and the People’s Republics of Donetsk and Lugansk.
In February 2015, the Minsk 2 agreements extracted after long hours of negotiations a ceasefire applicable on the 15th of the same month, which provided, inter alia, for the withdrawal of heavy weapons from the front line between Ukraine and the People’s Republics of Donetsk and Lugansk. But what about the day-to-day situation?
The reality at the beginning of the year 2020 is unfortunately very different.
Despite a short period of calm during the last holiday season, Ukrainian fire has resumed against the population of the « separatist » republic. 120 mm mortars and heavy artillery howitzers are still shelling the outlying areas of the city of Donetsk.
The harassment strategy employed by the Kiev government seems fairly clear. On the military level it aims to gradually empty the areas close to the front line of any civilian human presence to allow a possible advance which is impossible today.
On the internal political level, to calm the partisans of the war and on the external level to provoke a revision of the Minsk agreements in favor of a Croatian-type scenario, or even their abandonment.
The peace plan seems to be crumbling a little more each day without any official voice being raised. It must be stressed that the political context at the beginning of 2020 is very unstable between extreme nationalist pressure in Ukraine which does not want to give up and a possible future change of government in Russia which could modify the political orientation of Moscow in the Donbass.
Pending a hypothetical resolution of the conflict, the population suffers again and again. This European war has already claimed between 10 000 and 20 000 lives.
In Donetsk, entire neighborhoods and villages close to the front, sometimes cut in two, are gradually emptying, causing exile to « calmer » areas or abroad, houses are burning, walls are collapsing, windows are shattering, leaving the last babushkas and families who refuse to leave their homes, alone in the middle of deserted neighborhoods.
Each week brings its share of burials of innocent civilians or combatants, often very young, who join the defense forces at an early age, such as the four 20-year-old boys killed in January 2020 by Ukrainian bombing.
The toll is still heavy: 328 Republican soldiers were killed in 2019 and already about twenty since the beginning of 2020.
Manifesto
Most of the children who live or have lived close to the front line are traumatized. The loss of a father who disappeared
too soon, the bombings that still resonate in their heads and awaken their anxiety with each dull detonation. It is a
whole generation that has known nothing but war and that will have to be dealt with one day.
On all the faces I met who are not really « terrorists » – this term is still used by the government in Kiev – I could read disarray, weariness, sadness, fatigue and suffering. But in spite of this and the number of disillusionments experienced in the hope of a close end to the conflict, nothing seems to want to undermine the will of this proud and united people to decide their own destiny.